La charge mentale financière
L'épargne n'est pas qu'une question de volonté, la vraie réalité économique
La scène qui se joue partout
Un mardi matin, salle de pause d'une entreprise moyenne
Chloé dépose sa tasse de thé sur la table commune. Directrice marketing, elle rayonne après l'annonce des résultats annuels.
« Tu as vu le mail pour l'intéressement ? » lance-t-elle à Lindsay, qui consulte son téléphone dans un coin de la salle.
Lindsay, assistante administrative depuis cinq ans, lève à peine les yeux. « Oui, j'ai vu. »
« Moi je vais tout mettre sur mon assurance-vie. C'est fou comme ça s'accumule vite quand on est régulier ! » poursuit Chloé en touillant son thé. « Tu devrais faire pareil, tu sais. Même avec de petites sommes, ça vaut le coup. »
Lindsay esquisse un sourire poli. Ce que Chloé ignore, c'est que la prime d'intéressement de Sophie représente à peine 400 euros. De quoi réparer enfin sa voiture, indispensable pour emmener son fils à ses séances d'orthophonie deux fois par semaine.
« Tu sais, si tu gérais mieux ton argent, tu pourrais épargner chaque mois, même un peu », insiste Chloé avec ce ton bienveillant qui sonne comme une leçon.
Lindsay hésite, puis répond calmement :
« Ah bon ? Et si je gagnais plus, tu crois que ça aiderait ? »
Un silence gêné s'installe. Chloé ne sait pas que Lindsay jongle entre son loyer qui a augmenté deux fois en trois ans et les frais de garde de son fils. Elle ignore que l'idée même d'épargner n'est pas un choix, mais un luxe inaccessible quand chaque euro est déjà assigné à une dépense essentielle.
Les chiffres derrière le malaise
Ces conversations se répètent dans les entreprises, les familles, les cercles d'amis. Elles révèlent une incompréhension profonde : l'épargne n'est pas qu'une question de discipline personnelle, mais avant tout une réalité économique.
Les données de l'Insee sont implacables : les 20% de Français les plus modestes ne peuvent épargner que 3% de leurs revenus en moyenne, contre 28% pour les 20% les plus aisés. « En France, le taux d'épargne des ménages est fortement dépendant du niveau de vie », confirme l'Insee dans son étude « Les inégalités face à l'épargne ».
Autrement dit : ce n'est pas une question de volonté, mais de marge disponible. Plus on gagne, plus la part des dépenses contraintes (logement, alimentation, transport) diminue proportionnellement, libérant mécaniquement une capacité d'épargne.
La charge mentale invisible
Ce que Lindsay vit, comme des millions de Français, va au-delà des simples fins de mois difficiles. C'est une charge cognitive permanente.
Des chercheurs comme Banerjee et Mullainathan ont démontré que la précarité financière mobilise des ressources mentales considérables, réduisant la capacité à prendre des décisions de long terme. Le cerveau, constamment en mode survie, se concentre sur l'urgence : payer le loyer, remplir le frigo, assurer les besoins immédiats.
C’est la charge mentale financière.
Dans ces conditions, suggérer à quelqu'un de « mieux gérer son budget » revient à demander à une personne de faire des pompes avec un sac de 20 kilos sur le dos, tout en s'étonnant qu'elle n'y arrive pas aussi facilement que vous, qui n'avez aucun poids à porter.
Des pistes concrètes, sans jugement
Pour celles et ceux qui vivent avec un budget très serré, quelques approches peuvent néanmoins aider :
L'épargne automatique minime : définir un virement automatique de 5 ou 10€ le jour même du versement du salaire. Si petit soit-il, ce montant crée un réflexe d'épargne sans peser sur le quotidien.
L'épargne affectée : plutôt que d'épargner sans but précis, associer cette petite somme à un projet concret (réparation, cadeau d'anniversaire, petite urgence). C’est la méthode des enveloppes.
L'audit annuel des dépenses invisibles : consacrer une demi-journée par an à traquer les micro-abonnements oubliés, les assurances redondantes, les frais bancaires négociables.
L'épargne solidaire : dans certains contextes, les systèmes d'épargne collective comme les tontines informelles permettent de créer une discipline de groupe là où l'épargne individuelle serait impossible.
Augmenter ses revenus : la solution négligée
Face à cette réalité, il existe pourtant une solution trop rarement évoquée dans les discussions sur l'épargne : augmenter ses revenus.
Quand on sait que la capacité d'épargne dépend avant tout du niveau de salaire, pourquoi si peu de conseils financiers se concentrent-ils sur la négociation salariale, la valorisation des compétences ou la recherche d'opportunités mieux rémunérées ?
Pour quelqu'un comme Lindsay, obtenir une augmentation de 200€ nets par mois transformerait radicalement sa capacité d'épargne, bien plus efficacement que n'importe quelle application de suivi budgétaire.
Une étude de PayScale révèle que seulement 37% des salariés ont demandé une augmentation, alors que parmi ceux qui ont osé négocier, 70% ont obtenu une forme de revalorisation.
Changer notre regard collectif
Le plus important reste de modifier notre perception de l'épargne comme vertu morale. Épargner n'est pas un signe de supériorité éthique, mais la conséquence d'une situation économique privilégiée.
Plutôt que juger ceux qui n'épargnent pas, posons-nous les vraies questions : pourquoi tant de travailleurs à temps plein n'ont-ils aucune marge de manœuvre financière ? Comment construire une société où l'épargne de précaution serait accessible à tous ?
Et surtout, la prochaine fois qu'une Chloé sera tentée de donner des leçons à une Lindsay, peut-être pourrait-elle simplement demander : « Comment tu fais pour tenir avec tout ce que tu gères ? » et écouter vraiment la réponse.
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Car au-delà des conseils budgétaires traditionnels, la meilleure stratégie d'épargne reste encore d'avoir un revenu qui vous permet de respirer financièrement.
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Chaleureusement et à votre réussite financière,
Stéphanie
Sources
Insee, Les inégalités face à l'épargne, 2020
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4620124Banerjee, Mullainathan & Shafir, Poverty Impedes Cognitive Function, Science, 2013
https://www.science.org/doi/10.1126/science.1238041PwC France, L'épargne des Français : un potentiel inexploité, février 2023
https://www.pwc.fr/fr/publications/2023/02/epargne-des-francais-un-potentiel-non-exploite.htmlPayScale, Salary Negotiation Guide, 2022
https://www.payscale.com/salary-negotiation-guide
J’aime recevoir toutes des NL, mais celle-ci m’a particulièrement touchée. J’ai été pendant plus de 10 ans la Lindsay de l’article. Grace à une amie qui m’a aidé dans mon éducation financière non existante, puis grâce à tes story Instagram. Les témoignages. J’ai mis un tout petit au début (j’étais fière !), j’ai visé un meilleur salaire, j’ai quitté la personne qui faisait faire de l’égalité financière et non de l’équité, c’était dur mais j’ai continué de mettre à côté. J’ai pu acheter rien qu‘avec mes revenus et mes deux enfants à charge. Mais sans apport cela n’aurait pas été possible du tout ou par pour ce bien là c’est une réalité. Mais même aujourd’hui, ce n’est pas toujours facile d’épargner chaque mois c’est une réalité, mais avoir de l’épargne ne fut-ce que pour les moments d’urgence, est vraiment une nécessité.
Merci encore pour ce super article !